médecine et performance, quelles limites, la frontière

Jean-Jacques Menuet, médecin du sport, nutrition du sport, médecin référent de l’équipe cycliste “Arkéa-Samsic”

Présent sur mon 16ème Tour de France en qualité de médecin d’équipe, j’aborde aujourd’hui un sujet un peu polémique: médecine éthique et performance, quelle frontière ?

Pas question dans mes propos de dire que notre équipe lave plus blanc que blanc et que d’autres équipes lavent gris ou noir; nos résultats sportifs “moyens” pourraient m’amener à adopter cette attitude, et bien non …

Ma relation avec le sportif de haut niveau m’a toujours amené à rester totalement neutre par rapport à la valeur sportive et aux résultats : je suis aussi proche d’un coureur qui ne marche pas que d’une star; la propension du médecin à aider ceux qui souffrent m’amène probablement à être plus proche du perdant que du gagnant. “En même temps” je suis conscient que ma mission dans le sport professionnel, et en particulier l’attente de l’équipe qui recourt à mes service, est de faire en sorte que les gars soient en forme, mettre en place des stratégies de prévention santé, de prévention des carences, et je me dois de proposer une solution pour guérir rapidement un coureur malade; tout cela est évident. C’est aussi ce challenge d’une médecine efficace qui anime ma passion; toutes mes expériences (foot pro, médecin d’équipe de France en boxe anglaise, accompagnement de nombreux athlètes, joueurs de tennis, nageurs, etc) ont été et sont empreintes de ce souci d’une médecine du sport efficace, mais qui reste dans les “clous”

Ma position par rapport au dopage est claire: je suis médecin, pas juge, pas policier, pas enquêteur; surtout je n’ai pas à juger des comportements: chacun fait ce qu’il veut de sa vie, dans sa vie; par contre un sportif qui déraperait doit assumer; je pense très sincèrement que les gars de mon équipe sont clairs, qu’ils luttent avec leurs armes dans le respect d’une éthique.

La mission du médecin d’équipe est de veiller à la santé des coureurs de son équipe; un règlement interne très clair reprend bien sûr la liste des produits interdits. Le débat se situe autour des moyens de faciliter la performance sans que les procédés soient interdits: licite ou pas licite ? éthique ou pas éthique ?

Ma réponse est claire: je m’interdis toute stratégie qui peut avoir un retentissement péjoratif sur la santé d’un sportif; je prends quelques exemples, connus des Instances: la consommation de corticoïdes à outrance, la prise d’extraits thyroïdiens, la prescription injustifiée d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques; clairement ceux qui cautionnent cela jouent avec la santé de leurs coureurs; bizarre que certains coureurs ne parlent pas des pratiques dans leurs équipes …

Par contre je m’autorise à piloter une médecine de soins la plus efficace possible pour répondre rapidement à tout problème rencontré par un coureur; la prévention joue un rôle essentiel: bilans physiologiques, biologiques, recours à un réseau de confrères spécialisés et qui aiment le sport (cardio, pneumo, digestif, traumato, ORL, etc etc); je suis spécialisé en nutrition du sport, une de mes principales stratégies est de proposer un cadre et des protocoles précis pour la gestion nutritionnelle avant, pendant, après l’effort; j’ai participé à de nombreuses études et publications et je pense maîtriser pas trop mal les processus physiologiques biologiques et hormonaux qui se mettent en place avant pendant et après l’effort, pour proposer une logistique qui teint la route; savoir quels sont les acides aminés qui sont sollicités dans un certain type d’effort permet de proposer des complémentations efficaces. Permettre au sportif de stocker avant l’effort, d’entretenir pendant l’effort, de reconstituer après l’effort les micro et macro nutriments sollicités pendant l’effort. Ça permet au coureur de gagner ?? Non certainement pas, mais ça l’aide à rester en possession de ses moyens.

Au delà de la nutrition, toutes les stratégies de récupération doivent être déployées: optimiser le retour veineux, refroidir les muscles qui ont chauffé, la qualité du massage, la récupération du stress, la qualité de l’environnement du coureur, la gestion de son sommeil. Notre équipe pluridisciplinaire veille à tout cela: les assistants, les kinés et ostéos, notre diététicien, notre cuisinière: un travail de groupe.

En conclusion : je suis passionné par cette médecine de performance, juste je fixe des limites, pour la santé du sportif; de bien belles phrases ? Non, pas que; aussi et surtout parce que je respecte une éthique et qu’un passé ancien m’a amené à connaître un cyclisme “compliqué” où, sans être acteur, je côtoyais des stratégies connues de tous (médecins, Instances nationales et internationales, pouvoirs publics) Je suis très loin d’être le seul à revendiquer la pratique d’une médecine éthique, de nombreux confrères médecins d’équipes sont en phase avec ça; par contre manifestement d’autres confrères cautionnent voire sont actifs dans la facilitation non éthique de la performance … Chacun son histoire de vie, après tout … C’est le message que je répète à “mes” coureurs lorsqu’ils m’exposent les suspicions qu’ils ont sur tel ou tel coureur: mon propos est clair: “on s’occupe de nous, de ce qu’on fait, ce que font certains on s’en fout, juste j’espère qu’ils ne font pas de mal à notre sport et que le public ne sera pas déçu si un jour on apprend que …

Allez, bonne journée à tous, et à nouveau un immense merci pour votre fidélité sur ce site de conseils en médecine du sport et en nutrition du sport.

Jean-Jacques

PS: j’anime également un site de séances de sophrologie à télécharger: https://www.seance-sophrologie.com

Corticoïdes et sport : pour se soigner ou pour se doper ? Posons tranquillement le débat

Présent comme médecin d’équipe sur ce Tour de France 2016, je présente un débat polémique, pas de place pour la langue de bois …

Le contenu de cet article a pour objectif d’exposer une réflexion médicale, mais aussi de prendre le parti des sportifs qui se font voler la victoire par ceux qui trichent.

Corticoïdes et sport : pour se soigner ou pour se doper ? Posons tranquillement le débat

 

Sujet polémique, sulfureux, qui ouvre la porte à la suspicion ….

Les corticoïdes dans le sport, outil de soin ou dopage du … « pauvre » ? Dopage “du pauvre” comparé au probable dopage génétique, qui lui est peu évoqué.

Je vais essayer de poser le débat tranquillement, en conservant ma casquette de médecin

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Un produit corticoïde c’est quoi ? C’est une molécule essentiellement douée de propriétés antiinflammatoires et antiallergiques puissantes.

Notre organisme produit naturellement du cortisol, qui est une hormone ; ce sont les surrénales, petites glandes situées au-dessus des reins, qui assurent cette sécrétion. Nos surrénales produisent surtout le cortisol le matin au réveil, c’est cela qui nous réveille le matin et nous stimule ; pendant l’effort physique cette hormone agit également pour faciliter des processus physiologiques biologiques et hormonaux. En cas de « stress » (maladie, infection, suites d’une chute avec traumatisme) ce cortisol naturel sert à nous défendre.

Un médicament corticoïde peut exister sous plusieurs formes d’administration :

  • Soit par voie « générale » : comprimés, suppositoires, injections (intramusculaire, sous cutanée, articulaire, intraveineuse)
  • Soit par voie locale : pommade, soluté auriculaire (oreilles), pulvérisation nasale, aérosol ou pulvérisation pour les bronches, gouttes ou pommade pour les yeux ; ou péri-articulaire (= infiltration)

Quelle est la règlementation ?

  • L’AMA (Agence Mondiale antidopage, dont la règlementation s’impose à tout sportif) : les corticoïdes locaux sont tous autorisés hors compétition et en compétition ; les corticoïdes administrés par voie générale sont autorisés hors compétition, interdits en compétition.
  • L’AFLD (Agence Française de Lutte contre le Dopage) reprend la règlementation de l’AMA ; elle précise en plus que si un sportif a recours en compétition à un corticoïde local, il doit être en mesure d’apporter la preuve d’une indication médicale cohérente ; cette stratégie me semble tout à fait fondée.

Existe-t-il un risque sur la santé de prendre des corticoïdes ?

  • La prise prolongée et/ou répétée de corticoïdes peut entraîner une fonte musculaire, une perte de tissu graisseux, une rétention d’eau, une perte de capital osseux au niveau du squelette, des troubles électrolytiques (sodium, potassium) ; d’un point de vue neurologique : excitation neuromotrice, euphorie, diminution de la perception de la douleur (ce sont les effets que pourrait rechercher un sportif qui détourne l’usage médical des corticoïdes pour améliorer ses performances)
  • Si une personne prend un corticoïde par voie générale ses glandes surrénales vont freiner un peu ou beaucoup leur production naturelle de cortisol (les surrénales se « reposent » puisque de la cortisone est apportée par voie extérieure) ; mais on peut observer aussi ce phénomène en cas de prise locale de corticoïdes, surtout si les bronches ou les muqueuses nasales ou pharyngées sont enflammées (le produit passe alors plus facilement dans le sang) ; ce ralentissement de production peut faire baisser le taux sanguin de cortisol naturel en-dessous d’un certain taux : « hypocortisolémie ». Si donc le taux naturel de cortisol est abaissé, alors l’organisme se défend moins. Cette hypothèse est celle de nombreux spécialistes endocrinologues, même si elle est contestée par d’autres (en particulier par des spécialistes anglo-saxons). C’est pour cela que le MPCC (Mouvement Pour un Cyclisme Crédible) diligente désormais des contrôles réguliers et des contrôles inopinés du taux de cortisol sanguin ; si un coureur présente des valeurs abaissées par rapport aux normes du laboratoire préleveur, alors il est interdit de départ, pour protéger sa santé. De nombreuses équipes cyclistes professionnelles (dont toutes les équipes françaises) adhèrent au MPCC, d’autres équipes faisant le choix de ne pas adhérer. Seules les équipes qui adhèrent au MPCC font l’objet de cette règlementation et subissent des contrôles inopinés. Le coureur interdit de départ ne pourra reprendre la compétition que lorsque son taux de cortisol sera normalisé. Il s’agit d’une mesure prise pour la santé du coureur, ce n’est pas une mesure anti-dopage. La FFC est « partenaire » de cette réflexion et le médecin fédéral national gère la logistique de ces bilans.
  • Les équipes et structures non adhérentes au MPCC argumentent qu’il n’y a pas de danger à présenter un taux de cortisol sanguin abaissé.

Existe-t-il un moyen de « détourner » l’usage des corticoïdes à des fins de dopage ? Ma réponse est OUI, malheureusement OUI ; on s’accroche, je vais expliquer comment certains pourraient être tentés de tricher, et surtout comment on pourrait fermer très facilement cette « porte d’entrée » du dopage aux corticoïdes.

  • Il existe des corticoïdes locaux (je rappelle que le recours à la prise de corticoïdes locaux en compétition est autorisé par les Instances) qui existent aussi sous forme de comprimés ou d’injections. Si dans les urines d’un coureur on retrouve la molécule du corticoïde, alors, s’il veut tricher,  le coureur pourra dire qu’il a pris ce corticoïde sous forme locale, alors qu’il l’a administré en « micro-injections » ou qu’il l’a pris par voie orale (comprimés ou gouttes) Je ne citerai pas d’exemple précis ; mais par exemple un aérosol nasal existe aussi sous forme injectable ; « radio peloton » évoque que certains coureurs sur un grand Tour pourraient alors s’injecter en sous cutané des micro-doses, à un rythme régulier, juste pour en tirer un bénéfice « sportif » (moins mal aux pattes, moins de symptômes d’allergie, moins d’asthme) ; un autre produit à usage nasal existe aussi sous forme de comprimés.
  • Comment fermer totalement cette « porte ouverte » au dopage ? La solution semble simple. La FFC il y a quelques années avait listé les corticoïdes locaux concernés par cette « substitution » possible, et avait émis une recommandation aux médecins pour ne pas prescrire ces produits. Excellente proposition, que j’ai reprise dans le règlement interne de mon équipe et dans le règlement des équipes amateur dont je suis le médecin référent : interdiction (et non pas simple recommandation) au coureur d’avoir recours à ces corticoïdes locaux qui permettraient à un coureur de me dire qu’un spécialiste lui a prescrit un aérosol nasal qui existe aussi sous forme injectable ; la porte est fermée, point final, il s’agit d’interdire et pas simplement de recommander. Interdire les corticoïdes locaux qui existent sous d’autres formes; bien sûr ne pas interdire les corticoïdes qui n’existent QUE sous forme locale, car le sportif a le droit d’être soigné.

 

 

Juste une dernière précision pour les infiltrations (injection périarticulaire ou tendineuse d’un corticoïde) : le MPCC et la FFC imposent au cycliste professionnel de rédiger une fiche qui atteste de la nécessité médicale de ce soin (résumé médical, échographie, etc.), de la nature du produit injecté, de la dose, de préciser la date, le nom du médecin qui a procédé à l’infiltration ; le cycliste est alors mis en arrêt pendant 8 jours (de toute façon s’il présente une tendinite il n’est médicalement pas apte à courir) ; il ne peut reprendre la compétition que si le contrôle du taux sanguin de cortisol retrouve des valeurs normales.

Loin de mon intention l’idée de polémiquer ; on a le droit de soigner un sportif ; de nombreux sportifs présentent des allergies et/ou un asthme ; penser qu’un sportif qui prend un corticoïde local est un sportif qui cherche à améliorer ses performances est une ineptie qui revient en boucle dans les propos de ceux qui vivent de la com sur le dopage et pour qui tous les cyclistes sont dopés. Ce n’est pas à eux que s’adresse cet article, mais à ceux qui doivent comprendre que pendant un effort maximal le sportif ventile 40 fois plus qu’au repos et donc qu’il capte 40 fois plus de pollens ou autres allergènes et donc qu’il peut présenter des symptômes d’allergie bien plus violents qu’une personne sédentaire. Notamment pour l’asthme, je développe dans un article « tout savoir sur asthme et sport » une réflexion adaptée au sport.

Le médecin d’équipe est présent pour un suivi médico-sportif adapté, pour la santé du sportif, dans le respect d’une éthique sportive et médicale ; juste il faut veiller à ce que certains sportifs ne cherchent pas à nous « piéger » … Que ceux qui pensent que le médecin d’équipe est là pour doper gardent leurs certitudes ; pour certains il s’agit d’un fond de commerce à défendre, il faut bien que tout le monde vive ; pour d’autres, certains médias ont sculpté dans leur cerveau que le cycliste ne peut pas faire le Tour de France sans se doper. Mes propos ne s’adressent qu’à ceux qui sont aptes à comprendre la réalité d’une réflexion médicale neutre et objective, axée sur la seule problématique de la santé du coureur.

Je termine ma réflexion en précisant que le code de l’AMA stipule que tout sportif est responsable de ce qui rentre dans son organisme ; une fois de plus je conseille à tout sportif, avant de prendre le moindre médicament, de consulter l’excellent site de l’AFLD https://medicaments.afld.fr/ Tous les sportifs doivent connaître ce site et l’interroger au moindre doute ; beaucoup de sportifs se retrouvent positifs à un contrôle sans intention d’avoir triché : négligence de leur part ou de leur médecin ; au sportif de vérifier.

Un grand merci pour votre fidélité sur ce site ; plus de 7 millions d’internautes l’ont déjà visité. La vocation de ce site est d’évoquer avec un langage simple les aspects de la médecine du sport et de la nutrition du sport, en collant au terrain ; sur d’autres sites, gérés par d’excellents spécialistes de la médecine du sport, vous trouverez des réflexions plus documentées et scientifiques.

Bien à vous,

Jean-Jacques

 

Sur un autre site je propose des séances de sophrologie à télécharger, à destination du sportif, dans plusieurs indications : gestion du stress, préparation mentale d’un objectif, troubles du sommeil, gestion d’une période d’incapacité pour blessure, comment mieux récupérer, la microsieste, correction d’un geste sportif ; cette découverte de cet outil de gestion du mental amènera peut-être certains sportifs à bénéficier d’une prise en charge personnalisée avec un thérapeute de proximité.

dopage dans le cyclisme, l’avis d’un médecin d’équipe cycliste professionnel

Comme d’habitude le Tour aura été marqué par les interventions médiatiques de quelques pseudo « sommités » du « milieu » qui à force d’explications et de calculs savants sur les watts et autres paramètres auront tenté de décrédibiliser ce sport, alors que certains d’entre eux  en ont été des acteurs, et pas toujours « irréprochables » ; certains ont perdu la mémoire. Peut-être dans leurs intentions un soupçon de composante franchouillarde hostile aux vilains étrangers qui viennent voler le pain des français ; car n’oublions pas notre travers : « nous avons le meilleur fromage du monde, le meilleur vin, le meilleur pain, et nous sommes les meilleurs amants !! »

Mon regard de médecin de terrain me fait affirmer que la lutte contre le dopage a progressé et progresse encore. Grâce à qui :

-Aux Instances : le code de l’AMA 2015, les nombreux contrôles urinaires et sanguins, les initiatives du MPCC et de la FFC ;

-Grâce aux coureurs car j’assure que pour leur très grande majorité ils font leur métier proprement ; ils ont des familles, des enfants, ils respectent une éthique. Leur vie de sportif de haut niveau n’est qu’un passage dans leur vie d’homme.

-Aussi grâce aux Managers et aux Sponsors.

-Et oui, aussi grâce aux médecins d’équipes, qui sont à l’écoute de la santé des coureurs même si bien sûr la médecine de la performance nécessite une expérience pour assurer une prévention et une prise en charge rapide des pathologies, et la maîtrise des contraintes du sport de haut niveau.

Je ne cherche pas à convaincre ceux qui sont persuadés que mon discours est faux et confine à la « langue de bois » ; ils sont persuadés que pour faire le Tour les gars sont obligatoirement dopés. Laissons-leur croire cela ; juste qu’ils changent de chaîne de télé et qu’ils ne soient pas sur le bord des routes.

Bien évidemment que je ne suis pas dupe et qu’assurément il reste des coureurs qui trichent ; le dopage est inhérent au sport, de haut niveau comme de « bas » niveau ; pour gagner un filet garni et être champion du monde de son village un sportif peut déraper. Rien n’est tout blanc ou tout noir. Juste je dis que la grande majorité des coureurs jouent le jeu.

Mon discours aux coureurs qui jouent le jeu de l’honnêteté est simple: si certains coureurs trichent, ne vous laissez pas polluer par cette idée; “continuez votre passion, continuez votre engagement; si vous avez du talent, faites tout pour optimiser ce talent; restez motivés, concentrés, menez votre vie, point barre; et il y aura toujours des gens pour respecter votre engagement”

En tant que médecin je ne me suis jamais permis de juger  quelqu’un ; et je reste persuadé qu’à côté de la répression dissuasive du dopage la meilleure prévention est de comprendre, de décrypter, d’être à l’écoute des instants de fragilité d’un sportif qui peut être tenté de basculer : une fin de carrière où bientôt les lumières vont s’éteindre, le sportif qui veut revenir plus vite après une blessure, un égo surdimensionné, une vie sentimentale et émotionnelle un peu agitée, un cadre de vie à 100% occupé par son sport, une tendance aux addictions. L’accompagnement psychologique des sportifs n’est pas suffisant. Un espace d’écoute bienveillante doit leur être proposé, de façon plus attentive. Le choix d’intervenants de terrain disponibles, attentifs, qui ne sont pas là pour « exister » et dire qu’ils font alors qu’ils ne font pas grand-chose. Le profil des assistants, des kinés, des mécanos, des directeurs sportifs ; savoir créer une ambiance, une « famille », un espace pour un épanouissement du coureur. Des salaires décents pour que les « petits » coureurs puissent faire vivre leur famille. Leur fournir aussi les outils pour une formation professionnelle après le sport et une reconversion de qualité. De nombreux coureurs savent maintenant s’entourer de professionnels qui gèrent leur carrière et leur reconversion. Mon expérience du terrain m’amène à énoncer ces éléments de prévention.

Egalement vous trouverez sur ce site des séances de sophrologie à télécharger, pour le travail du mental du sportif, en particulier du cycliste.

Bien à vous tous et merci pour votre fidélité

Jean-Jacques

controles anti dopage sur le tour de France, l’avis d’un médecin d’équipe

Voici comme tous les jours sur ce Tour de France 2015 ma chronique de médecin de l’équipe cycliste Bretagne-Séché-Environnement.

J’évoque aujourd’hui 2 aspects du sport cycliste:

—Les contrôles anti-dopage : comment ça se passe pour les coureurs du Tour de France

–Et … une réflexion sur tous les aspects de la sexualité chez le coureur cycliste : les problèmes de périnée, de selle, de prostate, de compression. Le sport cycliste est confronté par cette problématique car passer des heures assis sur une selle, ça peut créer des soucis… Egalement j’évoque un questionnement fréquent : “est-il bon ou pas d’avoir un rapport sexuel le jour de repos sur le tour de France”…

Les contrôles anti-dopage se sont inscrits massivement dans le quotidien des coureurs cyclistes professionnels.

Le cyclisme a dérapé pendant une période, tout comme d’autres sports. La volonté des différentes Instances mais aussi la volonté des coureurs propre, des médecins d’équipe, des Managers, des sponsors,  a fait naître une nouvelle ère, qui aide le cyclisme à retrouver sa crédibilité.

Pas de langue de bois toutefois : très certainement que le dopage aura toujours une longueur d’avance sur les contrôles ; des rumeurs (fondées ou infondées ?) circulent, avec l’usage de « micro-doses » de certains produits, pour piéger les contrôles. L’objet de cet article n’est pas de développer plus ces probables possibilités de triche. Je suis étonné par le “réalisme” de certains reportages, qui pourrait donner des “idées” à certains sportifs peu scrupuleux…

Il faut retenir qu’aujourd’hui le cyclisme est LE sport qui œuvre le plus contre le dopage. Pour un contrôle de vitesse sur l’autoroute, si on ne contrôle QUE les voitures rouges alors on pourra laisser penser que seules les voitures rouges font des excès et alors les autres voitures pourront continuer à foncer … On se doute bien que certains sports sont protégés, car ils servent de vitrine, pour l’argent et pour certains politiques, et pour l’équilibre des banlieues. Les plus hautes Instances n’ont jamais mis la pression sur certains sports. Et puis faire des contrôles d’urines et faire des contrôles sanguins ce n’est pas du tout la même chose. Allez, on s’en fiche, parlons des cyclistes, laissons les autre sports de côté, il ne sert à rien de regarder dans la gamelle des autres.

Un coureur cycliste pro peut être contrôlé le matin de bonne heure (à partir de 6 heures), jusqu’au soir à 23 h, ceci pendant toute l’année. Il peut être contrôlé à son domicile, lors d’un stage, lors d’une compétition, sur le lieu de ses vacances ; et aussi à la maternité s’il rend visite à son épouse qui vient d’accoucher. Car il est « géo localisé » par l’intermédiaire d’un serveur informatique sur lequel il doit chaque jour noter tous ses déplacements. Un coureur cycliste est contrôlé 20 à 50 fois par an, dans les urines et/ou dans le sang.

Un « passeport » biologique sanguin est établi pour chaque coureur, qui analyse les variations de certains paramètres pendant l’année.

Egalement des contrôles sanguins inopinés ont lieu le matin sur les courses pour doser le taux de Cortisol ; ces contrôles sont diligentés par le MPCC (Mouvement Pour un Cyclisme Crédible), qui regroupe la majorité des équipes cyclistes professionnelles. Si un Cortisol est trop bas le coureur ne peut pas prendre le départ, pour raison de santé ; il est alors déclaré inapte tant que le taux de Cortisol n’est pas revenu à la normale.

Le cycliste accepte tous ces contrôles, et moi en tant que médecin d’équipe j’accepte ça aussi. La prévention du dopage passe par là, et par la fouille des valises et la surveillance des éventuels trafics.

Un exemple concret : hier soir, veille de la journée de repos sur ce Tour de France 2015, il est 22h45 ; j’étais à table, les coureurs étaient déjà dans leurs chambres, certains déjà endormis. Deux inspecteurs anti-dopage viennent me chercher, m’accompagnent jusqu’aux chambres des 3 coureurs désignés pour le contrôle sanguin. Ensuite moi et les 3 coureurs sommes accompagnés « de près » par les inspecteurs pour nous rendre dans la pièce où avait lieu le contrôle. Avec le sourire, et dans un climat convivial, les coureurs se sont prêtés à ce contrôle.

Les victoires de certains coureurs français redonnent le sourire au sport cycliste, et donnent envie aux jeunes futurs champions de faire du vélo. Veillons toutefois à ne pas tomber dans un raisonnement tel que « les français sont propres et les étrangers sont suspects »

Le dopage existe depuis l’antiquité, l’homme a toujours cherché à se surpasser ; le dopage existera toujours ; mais manifestement les choses évoluent dans le bon sens.

Bonne journée à tous ; aujourd’hui journée de repos pour les coureurs et … pour le staff ; même si je vais me livrer aujourd’hui à une consultation médicale plus structurée de nos 9 coureurs. J’ai demandé à chaque coureur de venir dans ma chambre quand il veut dans la journée ; je respecte la quiétude qui doit environner aujourd’hui les coureurs.

Et un grand merci pour votre fidélité sur ce site ;

 

Jean-Jacques

Egalement vous trouverez sur ce site des séances de sophrologie à télécharger, pour le travail du mental du sportif, en particulier du cycliste.

 

Christopher FROOME est-il dopé ?

–site de conseils en médecine du sport: http://www.medecinedusportconseils.com/

–site sur lequel peuvent être téléchargées des séances de sophrologie adaptées au sport: http://www.seance-sophrologie.com/ 

Il s’agit d’une réflexion que j’avais mise en ligne sur le Tour de France 2013 à l’issue de l’exploit de Christopher Froome dans l’ascension du Mont Ventoux. Aujourd’hui, au lendemain de la victoire de ce même coureur sur la 10ème étape du Tour de France 2015, ma réflexion est identique.

Christopher FROOME est-il dopé ? En France le cyclisme cristallise la suspicion ; qui imaginerait qu’un journaliste pose la question au vainqueur de Roland-Garros de savoir s’il a pris des produits dopants pour gagner ? Même s’il a gagné le tournoi 7 années de suite ?

Qui peut se permettre d’accuser sans preuves ? ce serait de la diffamation, point. A ce jour qui peut apporter des éléments crédibles irréfutables et incontestables qui démontreraient la certitude d’un dopage ?

Toutefois les séismes à répétition qui se sont abattus sur le cyclisme justifient que la question se pose. Je n’ai pas de réponse, je ne suis pas le médecin des SKY, je ne peux que souhaiter que ce coureur soit l’auteur d’une performance exceptionnelle comme l’image de son accélération fulgurante sur le mont Ventoux. (ceci c’était en 2013; sur ce Tour 2015 certains se posent la “question” sur le final de la Pierre-Saint-Martin)

Si dans quelques années l’analyse des prélèvements biologiques actuels apportait la preuve d’un dopage (le problème est qu’il faut attendre 10 ans …), le cyclisme perdrait définitivement toute crédibilité, si tant est que ce sport est encore crédible aux yeux du public convaincu que tous les cyclistes sont dopés. Les dégâts sont faits, l’équation cyclisme = dopage est ancrée dans la tête des gens.

Le manager de l’équipe SKY propose de divulguer auprès d’experts de l’AMA et de l’Agence anti dopage nationale anglaise le dossier de ce coureur, sous couvert d’une confidentialité respectée : la cadence de pédalage, la VO2Max, les relevés de puissance, les protocoles d’entraînements, les données biologiques : « tous les chiffres seraient mis sur la table » Pourquoi pas. Attendons peut-être que ces données soient divulguées, que des avis d’experts soient émis. Ce même manager serait également partisan que soient divulgués avant le départ du Tour tous les « AUT » (= Autorisations à Usage Thérapeutique) qui permettent à certains coureurs de bénéficier de traitements.

La justification des performances exceptionnelles de Chris FROOME est structurée autour d’une communication sur un professionnalisme extrême de cette équipe, des entraînements très durs, un encadrement très spécialisé, des stages en altitude, etc. ; pourquoi pas quand on constate la performance du cyclisme sur piste en Grande Bretagne depuis quelques années : la piste anglaise domine cette discipline, de très loin. Les entraînements sur pistes sont beaucoup plus calibrés, millimétrés, les staffs regroupent de nombreux spécialistes : physiologie, nutrition, psychologie etc.

J’ai envie de croire à ces performances, j’ai envie de croire que des méthodes d’entraînements extra-ordinaires génèrent des performances extra-ordinaires chez des sportifs au mental extra-ordinaire ; ma conception de la performance est en phase avec cette réflexion : associer les nombreux outils qui optimisent la capacité qu’à un sportif d’atteindre le maximum de son potentiel ; je précise bien sûr:  dans le respect d’une éthique sportive et médicale. Les sanctions prévues par le Code de l’AMA 2015 seront plus sévères (mise à jour aujourd’hui le 15-7-2015: effectivement le Code anti-dopage a progressé), le consensus mondial semble cohérent ; je demeure toutefois persuadé, et l’actualité des autres sports l’a encore montré ces derniers jours, que le dopage est inhérent au sport, que si les couvercles de l’hypocrisie qui recouvrent les autres sports se soulevaient, de nombreux sports seraient sonnés; je reste persuadé que certains sports resteront « protégés ».

Le public ne doit pas suivre les roues de la pensée unique et du dogme « tous pourris » car derrière le sport spectacle de TRES nombreux sportifs amateurs ou professionnels ont fait le choix d’un épanouissement personnel dans leur milieu, ces sportifs sont honnêtes, ils se battent avec leurs outils ; aujourd’hui on peut gagner une étape sur un Tour de France si on a la classe, un gros mental, la chance.

Que pensent les coureurs de mon équipe : et bien ils n’en parlent pas tant que ça, comme s’il y avait deux courses : celle des “costauds”, et la leur ; car si je n’ai pas d’éléments pour argumenter sur l’honnêteté de certaines équipes, j’en ai pour défendre mes gars et leur éthique car au quotidien je perçois leur combat, leur souffrance, leur générosité ; je partage leur suivi médicosportif physiologique et biologique avec d’autres spécialistes et je n’imagine pas que je puisse me « faire avoir » par l’un d’entre eux qui dériverait ; j’ai aussi besoin d’avoir confiance en eux, car sans cette confiance je ne pourrais pas travailler avec sérénité.

Egalement vous trouverez sur ce site des séances de sophrologie à télécharger, pour le travail du mental du sportif, en particulier du cycliste.

 

Tour de France J-2, la cérémonie de présentation de l’équipe SOJASUN

Jean-Jacques Menuet, nutritionniste du sport, médecin du sport

J-2, les gars et une bonne partie du staff sont partis à la présentation du Tour ; je reste à l’hôtel, pas mal de choses à mettre en place, classer mes dossiers, enregistrer une ou deux séances de sophrologie ; les consignes ont été données avant qu’ils ne montent dans le bus pour se rendre à cette « cérémonie » : éviter la station debout prolongée, chaque coureur porte des chaussettes de contention veineuse, attention au coup de chaud car en Corse le soleil est au rendez-vous, penser à boire régulièrement, et d’ailleurs une boisson a été préparée par les assistants, avec des minéraux et des produits de phytothérapie qui optimisent le retour veineux. Ce matin les coureurs se sont soumis au bilan biologique sanguin diligenté par l’UCI, quelque part cette contrainte est passée dans leurs habitudes ; les résultats sont assez rapidement communiqués aux médecins d’équipes. Les coureurs n’évoquent pas “l’histoire” Laurent Jalabert, ils se concentrent sur l’objectif de leur Tour, sont quelque part conscients que tous les sports ne sont pas logés à la même enseigne; pour ma part le vœu se fait plus pressant que la lutte contre le dopage s’intensifie dans tous les sports et que l’énergie se canalise sur aujourd’hui et demain, même si je suis conscient que l’historique compliqué du cyclisme doit servir de base pour reconstruire; en tant que médecin je ne me suis jamais permis de juger le comportement de quelqu’un, les médias font leur devoir d’information, le respect pour les sportifs de haut niveau fait partie de ma culture et je ne doute pas des convictions d’un homme comme Laurent Jalabert pour voir progresser son sport dans la bonne direction; tout cela est vraiment compliqué, pollué probablement par des aspects politiques qui nous dépassent. Je souhaite que ce Tour nous livre une belle histoire de sport, de vrai sport cycliste. Bonne fin de journée et à demain !

Jean-Jacques Menuet, nutritionniste du sport, médecin du sport