sport et hormones thyroïdiennes

Des cyclistes consommeraient des extraits thyroïdiens ? vrai ou faux ? La rumeur court ; moi je dirai oui c’est probable car je me pose la question des moyens utilisés par certains coureurs pour maigrir et ressembler à des cadavres. L’intérêt est évident chez les grimpeurs, pour améliorer le « fameux » rapport poids/puissance.

Préalable : je ne suis pas là pour juger des faits ; en qualité de médecin mon seul objectif et ma mission sont de veiller à la santé des sportifs ; mieux que le « public » ou certains « pseudo commentateurs qui s’autorisent à penser que cyclisme = dopage », je sais que le cyclisme est LE sport qui surveille le plus ses pratiquants ; savez-vous que le jeudi qui précède le départ du Tour TOUS les coureurs ont eu une prise de sang organisée par l’UCI ? Savez-vous que tous les jours de nombreux coureurs auront une analyse d’urines ET une prise de sang tôt le matin dès 6h ? Savez-vous qu’un cycliste est soumis à un suivi géographique par les Instances anti-dopage tous les jours toute la journée : il peut être contrôlé à la maternité le jour où sa femme accouche, il est tenu de se géolocaliser 24h/24 ; ok ? Dans quels autres sports le suivi anti-dopage est-il aussi rigoureux : AUCUN. Mon propos est donc uniquement de lancer une alerte sur l’usage d’un produit « autorisé » mais qui peut nuire à la santé ; ok ? Autre précision : de nombreux médecins d’équipes cyclistes veillent aussi bien que moi à la santé de leurs gars, et j’imagine et espère que la problématique que je vais évoquer ne concerne que peu de médecins. Bon, on y va :

La problématique du dopage est à considérer en parallèle avec la problématique de la santé du sportif ; la tentation est grande de prendre des produits non dopants mais qui facilitent la performance ; « si c’est pas interdit alors on peut en prendre » ; sauf que … la santé peut être altérée ; c’est bien évidemment le cas des extraits thyroïdiens qui aujourd’hui sont utilisables « open bar » puisque non inscrits sur la liste des produits interdits, alors qu’ils présentent un risque réel pour la santé.

Un moyen classique utilisé par de pseudo-homéopathes (qui sévissent encore) est de glisser insidieusement dans leur longue liste de préparation homéopathique (souvent indéchiffrable si ce n’est par le pharmacien) le nom d’un extrait thyroïdien ; le patient qui veut perdre du poids va en perdre à coup sûr, persuadé de plus que l’homéopathie fonctionne !! Arnaque classique des vendeurs de rêve ou de ceux qui flirtent avec le dopage …

Un autre moyen est de se faire clairement guider par un médecin peu scrupuleux qui va prescrire ou fournir le produit. En sachant aussi que quelques « pseudo-préparateurs physiques » sévissent dans le milieu du sport de haut niveau, tous sports confondus.

Quels effets « bénéfiques » sur la performance peut-on attendre des extraits thyroïdiens : tout d’abord et surtout une perte de poids, mais aussi une stimulation de la vigilance, de l’acuité sensorielle, c’est à dire de la « nervosité »

A quel prix pour la santé : la thyroïde est le « gendarme » du fonctionnement de l’organisme, elle régule de nombreuses fonctions vitales ; jouer avec elle lorsqu’on ne présente pas d’insuffisance thyroïdienne réelle, c’est prendre des risques, essentiellement cardiaques (arythmie, hypertension artérielle) ; mais clairement ce message de santé ne passe pas auprès de certains sportifs ou “préparateurs” sportifs qui veulent privilégier la performance à tout prix ; ni bien sûr auprès des personnes qui « conseillent » le sportif.

Alors que faire ? Moi je ne suis pas flic, pas enquêteur, et même je n’ai pas à juger les comportements de certains ; « juste » je suis médecin et soucieux de la santé des sportifs ; je pense simplement que la question se pose légitimement d’interdire les extraits thyroïdiens ; la réflexion est déjà en route, menée en particulier par le MPCC (mouvement pour un cyclisme crédible) ; maintenant il faut faire avancer le dossier jusqu’à l’AMA (agence mondiale antidopage)

J’anime également un site de séances de sophrologie à télécharger : https://www.seance-sophrologie.com/

Tour de France 2016, le regard du doc de l’équipe Fortunéo Vital Concept avant-veille du départ

Bonjour ; jeudi 30 juin 2016; je vais essayer chaque jour de ce Tour de France 2016 de vous faire entrer dans les coulisses de l’équipe, avec mon regard de doc ; avec bien sûr le respect du secret médical et le respect de l’intimité des coureurs.

Abordons tout de suite, ce sera fait !! la problématique du dopage, mais ça va être compliqué car au fur et à mesure des années les médias ont sculpté dans le cerveau des gens qu’un cycliste ne peut pas faire le Tour sans dopage ; je n’ai pas envie de revenir sur le passé, juste j’énonce quelques vérités : oui le cyclisme a fait des erreurs ; le dopage existe dans tous les sports sauf que certains sports sont protégés ou bénéficient gentiment de la « présomption d’innocence » ; tous les cyclistes et tous les sportifs sont-ils dopés ? Ma réponse est affirmative : c’est non ; tous les trains n’arrivent pas en retard mais on ne parle que des trains qui arrivent en retard. Quoiqu’il se passe autour de moi et autour de l’équipe dont je suis le médecin, je regarde droit devant, en m’occupant de ce qui me concerne et de la mission qui m’incombe. Ceux qui pensent que je ne respecte pas l’éthique, circulez et arrêtez de lire mes propos, de toute façon je ne pourrai pas vous convaincre ; que ceux qui préfèrent les cures de jeûne passent aussi leur chemin, moi je m’occupe de médecine et de nutrition. Ceux qui me connaissent et qui me font confiance, on continue, et c’est avec plaisir que je vous fais entrer dans les coulisses de l’équipe.

Ma mission est d’assurer le suivi médico-sportif d’un groupe de 9 coureurs pendant une épreuve sportive qui exerce sur l’organisme des contraintes anatomiques, physiologiques, nutritionnelles, et mentales ; chacun de ces aspects justifie un regard et une prise en charge préventive et curative si besoin ; il s’agit de mon 11ème Tour de France, de mon 15ème grand Tour, je pense avoir acquis une certaine expérience de terrain, plus à même de disserter sur le retentissement de l’activité sportive intensive que certains qui n’ont pas accès au terrain du sport.

Ce qui me passionne dans la médecine du vélo c’est qu’il s’agit d’une médecine globale, où chaque intervenant de l’équipe peut apporter quelque chose, chacun à sa place, chacun avec son expérience ; un seul exemple : un coureur présente une tendinopathie à un genou : la réflexion est collégiale : le doc, le mécano (position, matériel), le DS (particularités de l’étape qui a déclenché la douleur), le kiné, l’assistant qui va masser le coursier, et notre kiné-ostéo. Et si un coureur présente une diarrhée, j’adresserai à nos 2 cuisiniers des consignes sur l’alimentation.

Voilà le préambule avant d’évoquer chaque jour ma mission dans l’équipe : nutrition, hydratation, quels apports énergétiques avant pendant puis après l’étape, la gestion de la chaleur (euhhhh aujourd’hui ce n’est pas le cas …), fatigue de l’organisme, problèmes de sommeil, pathologies microtraumatiques, prise en charge des chutes, comment bien récupérer après l’effort, etc. etc.

Ce matin les 9 coureurs ont eu un bilan biologique à 8h ; j’aurai les résultats dans la journée ; ce bilan revêt un aspect médical, mais aussi réglementaire : par exemple si le taux de cortisol d’un coureur est trop bas il ne sera pas autorisé à prendre le départ, il sera remplacé par un autre coureur. Le suivi médical des coureurs se positionne dans un relationnel convivial avec les autres médecins d’équipe, les médecins de la Fédération, et les Instances.

Là les coureurs sont partis rouler, repérer une « bosse » ; s’il pleut ils ont la consigne de revenir à l’hôtel, ils feront du home-trainer, pas question de « choper » une angine avant le début du Tour !!

Bonne journée, à demain !

Jean-Jacques Menuet médecin référent de l’équipe cycliste professionnelle « Fortunéo – Vital Concept »

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XIPAMIDE DOPAGE SCHLECK TOUR DE FRANCE

Le 17 juillet 2012, présent comme médecin d’équipe sur le Tour de France, j’apprends que selon l’UCI Franck SCHLECK, coureur Luxembourgeois présent sur le Tour de France au sein de l’équipe cycliste Radioshak, est déclaré positif à l’issue d’un contrôle urinaire réalisé le 14 juillet dernier sur l’étape qui arrivait au Cap d’Agde ; l’équipe du coureur lui fait quitter la course le jour même. Le produit : du XIPAMIDE

En France cette molécule est présente dans un médicament : le « LUMITENS » qui est un diurétique (= il augmente le débit urinaire) ; ce médicament est destiné à lutter contre l’hypertension ou contre l’insuffisance rénale ; le LUMITENS est un produit à effet retard donc qui reste plus longtemps dans le corps qu’une forme dite rapide. Sans préjuger de la suite de cette affaire et pour n’évoquer qu’une réflexion générale, il est fréquent que l’utilisation d’un diurétique ait pour objectif de masquer ou plutôt d’activer l’élimination urinaire d’une substance dopante de sorte d’en raccourcir le délai de présence dans les urines ; parfois le diurétique est destiné à perdre du poids, « assécher » les muscles.

Si et seulement s’il s’avère que ce coureur s’est engagé dans une démarche de dopage, cette nouvelle est réjouissante puisqu’elle prouve que les produits sont détectables, à des doses de plus en plus minimes. Il est également clair que le sport cycliste s’est engagé dans une lutte concrète et non pas réduite à de la pure communication.

Jean-Jacques Menuet, médecin du sport, nutritionniste du sport

Jean-Jacques Menuet médecin du sport, nutritionniste du sport