TESTS D’EFFORT CHEZ LE SPORTIF: les objectifs, le cahier des charges; article qui concerne plutôt le CYCLISME

L’intersaison arrive, les cyclistes de haut niveau, amateurs comme pros, vont passer leur “test d’effort”: quels sont les objectifs de ce test.

Je conseille vivement la lecture de cet article que vous soyez cyclistes, médecins du sport, ou encore entraîneurs.

Un article rédigé par le Dr Jean MEDELLI qui depuis 30 ans a vu défiler dans son labo au CHU d’Amiens des centaines de cyclistes dont de nombreuses “stars” mondiales. Ses publications internationales recouvrent tout le champ de la médecine du sport, en particulier la physiologie du sport cycliste; ses démarches ont été novatrices dans des domaines comme l’asthme d’effort, le rôle des acides aminés, l’exploration scientifique des anti-oxydants, les mécanismes hormonaux pendant et après l’effort et de très nombreux aspects de terrain.

Ah oui j’oublie …  en janvier dernier son service a été fermé … pour manque de rentabilité; pour moi c’est une honte et une immense hypocrisie.

LES EPREUVES D’EFFORT INCREMENTAL AU LABORATOIRE :

Que faut-il en attendre ?

 

            Depuis le début du siècle dernier, les épreuves d’effort réalisées en laboratoire ont permis une meilleure compréhension de l’adaptation physiologique de l’homme lors de l’exercice musculaire et ont fourni aux sportifs des éléments scientifiques destinés à éliminer tout caractère empirique dans la conduite de leur préparation physique en vue des compétitions.

            Cependant, la multiplicité des études, leur caractère fragmentaire et les résultats contradictoires relatifs aux différences de protocoles et à la diversité des populations, ont parfois semé la confusion ou le doute au sein d’esprits préoccupés par un désir de rationalisation et d’efficacité sur le terrain. Les champions de laboratoire ne sont pas forcément les plus performants lors des compétitions sportives. Les facteurs de la réussite sont trop variés pour n’accorder sa confiance que sur la base de tests réalisés dans des conditions particulières et forcément biaisées. Faut il pour autant rejeter ce type d’évaluation et se baser uniquement sur son intuition et son expérience de maquignon ?

            Il convient tout d’abord de recentrer le débat et de rappeler un certain nombre de vérités élémentaires. Chez le sportif, comme chez le sujet sédentaire ou pathologique, les tests d’effort au laboratoire ont un double objectif :

            – l’évaluation de l’aptitude physique, c’est-à-dire la recherche de contre-indications médicales à tout exercice exhaustif pouvant mettre l’intégrité physique ou la vie du sujet en danger,

            – l’évaluation de la capacité physique du sujet afin de faire une photographie de son potentiel au moment même du test, de lui fournir des indications physiologiques objectives pour guider son entraînement ou sa rééducation, de contrôler l’évolution de sa préparation et de détecter de manière précoce tout excès qui pourrait le précipiter vers un état de surentraînement ou de fatigue excessive.

            Ces deux objectifs sont parfaitement complémentaires et indissociables. Ce serait une erreur grave et une faute professionnelle impardonnable que de négliger l’un de ces objectifs au profit du seul aspect médical au dépend des préoccupations sportives et inversement. D’où la nécessité d’avoir affaire à des professionnels ayant la double casquette de médecin rompu aux techniques d’investigation avec une parfaite connaissance du sport et de ses exigences.

            A partir de ce postulat de base, les difficultés commencent et l’évaluateur se trouve confronté à de nombreuses questions auxquelles il doit répondre tout en conservant son caractère critique et objectif sur les résultats qu’il est amené à fournir et à discuter. C’est une leçon d’humilité qui se pose à lui et qu’il doit faire partager tout en montrant une certaine assurance afin de ne pas déstabiliser l’athlète ou l’entraîneur qui sont venus le consulter avec parfois (voire très souvent) des idées préconçues liées à des théories dogmatiques ou mal comprises et à des comparaisons hasardeuses avec certaines études de la littérature scientifique.

            Le deuxième postulat est le suivant : il est totalement illusoire de vouloir faire des comparaisons avec des études qui n’ont pas appliqué le même protocole ou qui se sont adressées à des populations différentes. De même, un test n’est qu’une photographie à l’instant présent où l’on réalise l’examen. On ne peut se baser sur un seul résultat pour connaître un individu : seules la répétition des évaluations et leur confrontation avec les données environnantes nous permettent d’avoir une idée relativement pertinente sur l’état physiologique du sujet. Les résultats ne peuvent se comparer que sur le sujet lui-même et selon le même protocole. Et encore faut il être prudent dans l’analyse brute des résultats : il vaut mieux comparer la valeur d’un paramètre par rapport à sa valeur moyenne avec variations standards recueillie lors de plusieurs tests réalisés dans les mêmes conditions expérimentales.

            Ce qui nous amène à examiner la qualité du protocole réalisé. Le premier élément à considérer est la spécificité du geste spécifique de la discipline du sujet (sportif ou non) en tant que masse musculaire impliquée, car il ne sera jamais question de reproduire la finesse du mouvement dans ses conditions expérimentales réelles. Ainsi, il est hors de question de réaliser un test sur egocyclomère chez un coureur à pied, ou sur tapis roulant chez un cycliste, car les masses musculaires mises en jeu sont différentes et les adaptations cardio-respiratoires également et les résultats ne sont pas transposables. D’où la nécessité d’avoir un matériel adapté, fiable et solide compte tenu des contraintes imposées par des athlètes de haut niveau. Ensuite il convient d’apprécier la progressivité de l’incrémentation tant dans sa durée que son intensité pour avoir un bon compromis permettant d’atteindre l’exhaustivité de l’effort, mais également  l’analyse des étapes intermédiaires, afin d’apprécier   les phases de stabilité ou d’instabilité physiologiques du sujet.

            Ces données sont apportées par l’analyse de la cinétique des paramètres cardio-respiratoires et des paramètres biologiques qui analysent la mise en jeu des filières énergétiques. Avant tout, afin d’éliminer toute anomalie cardio-vasculaire qui pourrait mettre en danger la vie du sujet lors de l’exercice, il est indispensable  (ne serait-ce que d’un point de vue médico-légal pour satisfaire aux normes de sécurité) de disposer d’un enregistrement électro-cardiographique irréprochable en continu et explorant toutes les parois cardiaques (12 dérivations). Cependant certaines épreuves réalisées sur tapis roulant ou ergomètres d’aviron peuvent être parasitées par des artéfacts et il est conseillé d’associer à cette surveillance la mise en place d’un cardio-fréquencemètre qui a le mérite, outre d’être moins sensible à ces aléas, de nous fournir la fréquence cardiaque en continu. La prise de la tension artérielle en manuel est souvent impossible en cours d’effort, d’où la nécessité d’avoir recours à des appareils de mesure automatique.

            La mesure de la consommation d’oxygène traduit de manière indirecte la dépense énergétique du sujet au cours de l’exercice et la VO2max constitue un élément incontournable de cette évaluation. Elle représente  la quantité maximale d’énergie qu’un individu est capable de fournir (la « cylindrée » du sujet) mais ne correspond pas pour autant à la puissance ou la vitesse maximale développée par le sujet (d’où une certaine confusion dans la programmation de l’entraînement ou de la rééducation en terme de % VO2max). Sa mesure dépend de l’appareillage et des analyseurs utilisés à cet effet, ainsi que du mode de recueillement des gaz expirés (chambre de mélange ou cycle/cycle). Dès lors on comprend aisément qu’il est illusoire de vouloir comparer des valeurs de VO2max enregistrées par des équipements différents.

            Plus que la VO2max en elle-même, ce sont les étapes intermédiaires, de l’état de repos à l’effort maximal, qui sont les plus intéressantes à analyser afin de déterminer la notion de « seuil » ou de « zone transitionnelle ». Il s’agit de définitions classiques mais impropres, et il semble plus important de parler de « limite maximale de stabilité » et de « charge de rupture » définissant les charges de travail pour lesquelles le sujet reste ou non en équilibre physiologique. Reste à cerner quels sont les paramètres les plus pertinents pour rendre compte de cette rupture de stabilité (ventilation, fréquence cardiaque, lactates, autres paramètres biologiques ?).

            Troisième postulat : les résultats des épreuves de laboratoire sont ils transposables sur le terrain où les conditions environnementales ne sont jamais stables (à l’inverse de celles du laboratoire). Par ailleurs, il existe une différence fondamentale entre les conditions d’entraînement ou de compétition (motivation et stress). Donc il convient de se montrer extrêmement prudent lorsque l’on a la prétention de prescrire de simples indicateurs non pertinents ou peu fiables comme étant  des valeurs de référence invariables et intangibles dans la conduite de l’activité du sujet.

            Le quatrième postulat consiste à prendre en considération la coopération du sujet : est il volontaire pour se prendre en charge ou passe t’il ce test de manière passive pour obéir à des contraintes essentiellement administratives ? Quelle est la position de son entraîneur ? Quelle est son adhésion et n’y voit il pas un quelconque empiètement sur son autorité ? Si ces examens se déroulent sans une entente ou une coopération étroite et respectueuse entre médecin et couple athlète-entraîneur, il y a fort à parier que leur intérêt soit nul ou sans impact efficace pour la réussite du sujet.

            En résumé : les tests d’effort incrémentaux en laboratoire présentent un intérêt évident si un certain nombre de conditions sont réunies : réalisées par des professionnels de la santé ayant de parfaites connaissances et surtout une expérience pratique solide et éprouvée dans le domaine de l’activité physique et sportive, dans des conditions expérimentales rigoureuses, dans un esprit non dogmatique surtout dans l’analyse et l’interprétation des résultats, dans une parfaite entente avec le couple athlète-entraîneur et le plus grand respect pour les compétences et les prérogatives de chacun.

2 Comments TESTS D’EFFORT CHEZ LE SPORTIF: les objectifs, le cahier des charges; article qui concerne plutôt le CYCLISME

  1. Néra Sagné

    Bonjour,

    A 39 ans j’ai repris le sport depuis 6 mois de manière relativement intensive, soit 6 à 7 heures hebdomadaires :
    – 65% vélo elliptique en alternant endurance et fractionné, à une moyenne de 142 bpm
    – 20% cani-cross mais sans trop courir (ma hernie discale ne me le pardonnerait pas), à une moyenne de 135 bpm
    – 15% musculation, en excluant les jambes déjà bien charpentées, et aussi les lombaires trop fragiles
    Mon premier objectif, qui était d’évacuer le stress professionnel en me faisant plaisir, est plus qu’atteint.
    En cadeau-bonus, j’ai perdu les 10 kg que j’avais pris pour cause de péri-ménopause mal gérée (reste néanmoins un petit excès de poids).

    Aujourd’hui, je souhaiterais effectuer des tests d’effort.
    Le but est notamment de connaître ma FCmax et ma VO2max afin d’adapter mon entraînement. En effet, les différents calculs trouvés sur le net et les données de mon cardiofréquencemètre me semblent très approximatifs.
    De plus, après une séance de vélo elliptique de 1h30 à 70% de ma FCmax théorique, je trouve l’effort peu intense : un grand bien-être mais quasiment pas de fatigue.
    Et, quand mon Polar m’annonce une VO2max de 55 alors que je fume un paquet de cigarettes par jour, je doute très fort…

    A part la hernie et le tabagisme, aucun problème de santé, impénétrable à tous les virus et bactéries, une alimentation équilibrée mais sans psychose… bref, RAS.

    Pensez-vous qu’il soit pertinent d’effectuer un tel test dans mon cas ?
    Si oui, où m’adresser et quel budget prévoir ?

    Merci d’avance pour votre éclairage !

  2. Jean Jacques Menuet

    ok, bonnes questions; ma réponse est claire MAIS en deux temps: D’ABORD absolument pas utile de passer un test d’effort à visée sportive pour deux raisons: 1/ malheureusement le médecin ne délivrera que rarement une bonne interprétation à visée sportive; je ne détaille pas mais très peu de centres sont vraiment spécialisés avec de bons praticiens expérimentés, et on voit ça même dans le haut niveau; et quand bien même le test serait corect et bien interprété, il faut un excellent entraîneur pour faire le lien entre le test et l’entraînement à adapter; la plupart des tests ne sont pratiqués que dans le cadre du haut niveau parcequ’ils doivent impérativement passer un test tous les ans, ou tous les 4 ans; et puis une VO2 on s’en fiche complet car ce n’est qu’une photo à un moment donné; l’essentiel serait de répéter les tests à plusieurs moments de la saison; et la fréquence cardiaque est un paramètre que tous les spécialistes mettent de côté, préférant renvoyer le sportif à ses sensations respiratoires. Pour vous en fonction des objectifs que vous me décrivez, je dirais que la priorité serait de conserver un bon foncier (courir, nager ou vélo longtemps à une FC moyenne de 135 pas plus: moi aussi je reviens sur ce paramètre de la FC; ou plutôt “je respire bien mais mon corps chauffe bien et je ne suis pas essouflé”) en y incluant du fractionné car vos activités avec votre chien le justifient: il s’agit alors de glisser 2 ou 3 fois pendant vos séances foncières une dizaine de mns à une intensité plus élevée = “je respire mais c limite et si je j’accélérais un peu je ne pourrais plus parler” ATTENTION: j’ai parlé de test d’effort à visée sportive MAIS cela ne veut pas dire que selon l’âge du sportif, son passé, ses pathologies, les sensations qu’il ressent et qu’il sait décrire: ET BIEN LE MEDECIN TRAITANT peut prescrire un test d’effort à visée cardiologique, pour la santé; cdlt, jjM

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