La dépense calorique du cycliste sur un Tour de France, que mange un coureur ?

La dépense calorique du cycliste sur un Tour de France, que mange un coureur ?

Ce que je développe dans cet article est le résultat de mon expérience de plus de 25 années de présence dans le sport cycliste; c’est mon 15ème grand Tour; l’accès au terrain m’a permis de compléter mes connaissances grâce à l’expérience des coureurs, car ce n’est qu’ avec eux qu’on peut construire un suivi nutritionnel cohérent.

Une étape moyenne sur un Tour de France représente une dépense calorique de 4500 à 5000 Kcalories environ ; auxquelles il faut ajouter la dépense calorique du coureur au repos ; et oui ! N’oublions pas qu’en dehors de la course il respire, son cœur bat, son tube digestif fonctionne, son cerveau également, le coureur se déplace, il maintient sa température corporelle ; ce « métabolisme » au repos nécessite un apport de 2500 à 3000 Kcalories environ. Soit un total de 7000 à 8000 Kcalories par jour. Tout va dépendre aussi du gabarit du coureur et de l’énergie qu’il a exprimée sur l’étape.

Prenons une moyenne de 7500 Kcalories (4500 pendant l’étape, 3000 au repos)

Où trouver ces 7500 Kcalories ? :

Pendant l’effort le muscle brûle du sucre mais aussi des graisses et un peu de protéines.

Fort heureusement pendant l’effort un cycliste de haut niveau bien entraîné va trouver une partie du carburant nécessaire dans ses réserves de graisses: 40 à 50% des 4500 calories nécessaires pendant l’effort sont apportées par les lipides (la « lipolyse ») ; on stocke ces lipides essentiellement dans nos tissus graisseux mais le sportif de haut niveau stocke aussi des graisses dans ses muscles (« goutelettes » de triglycérides); donc retenons le chiffre de 2000 Kcalories « offertes » par les réserves de graisses pendant l’étape. Plus le sportif est bien entraîné en « endurance », plus il habitue son organisme à utiliser les graisses pendant l’effort. Une petite partie de l’énergie, surtout sur les étapes de montagne, sera aussi apportée par les réserves protidiques de l’organisme. L’organisme va donc avoir besoin d’un apport moyen de 2500 Kcalories pendant l’effort, grâce à la nutrition :

-La nutrition d’avant effort (repas la veille au soir, petit déjeuner, boisson d’attente) permet de constituer au niveau des muscles et du foie des réserves de « glycogène » ; pendant l’effort le glycogène se transforme en glucose, carburant glucidique des muscles (en complément des lipides, et des acides aminés qui sont les constituants des protéines) ; cette réserve de glycogène correspond à 1200 Kcalories environ.

Reste donc à apporter pendant l’effort 1300 Kcalories environ. Une moyenne de 6 à 8 bidons de boissons énergétiques, 4 à 6 barres de céréales, 4 à 6 gels énergétiques et quelques « emballés » (gâteau de riz, cake sucré ou salé) assurent largement cet apport.

En dehors de l’effort il faut donc apporter 7500 – 1300 (Kcalories apportées par la nutrition en course) – 2000 Kcalories (offertes par les graisses pendant l’effort) = 4200 Kcalories

Ces 4200 Kcalories sont apportées par le petit déjeuner consommé 3-4 heures avant le départ de l’étape, la boisson d’attente que je conseille pendant les 90 minutes avant le départ, la collation après l’étape (consommée dans le bus ou les voitures qui amènent les coureurs à l’hôtel), les boissons glucidiques consommées entre l’arrivée et le coucher, le repas du soir, et souvent une dernière petite collation avant le coucher (pour ma part je conseille eau + maltodextrines)

 

Répondre à la dépense énergétique d’une journée sur le Tour de France implique d’une part un apport important en sucres lents en dehors de l’effort, et d’autre part le recours à des boissons et aliments pendant l’effort.

Mais l’assiette du cycliste ne se limite pas à une ration de pâtes !!

Il faut diversifier les apports glucidiques : riz, pommes de terre, semoule de blé ou de maïs, quinoa, un peu de légumes secs, céréales, etc. Des légumes verts cuits, crudités, fruits crus et cuits doivent aussi être apportés, pour l’apport en fibres, minéraux, anti-oxydants et oligo-éléments, tous ces composants étant perdus par la sudation et les mécanismes cellulaires métaboliques.

Egalement des apports protéinés adaptés (viande, poisson, laitages, légumes secs) répondent à la nécessité de régénérer les fibres musculaires lésées pendant l’étape.

Bien sûr on ne peut pas parler de nutrition sur le Tour de France sans parler d’hydratation

car la déshydratation entraîne une altération des performances. Pendant l’étape la chaleur est présente, notamment sur ce Tour de France 2016 ; sur les étapes de montagne la roche réfléchit les rayons du soleil et la vitesse est moindre ; le bitume chauffe et renvoie la chaleur.

La notion de plaisir de l’alimentation ne doit jamais être oubliée :

un « petit » coca en pleine cagna peut faire du bien au cerveau, un petit carré de chocolat le soir, et pourquoi pas de temps en repas un petit verre de vin à table le soir : le coureur n’est pas une machine !

J’insiste pour ma part sur la nécessité que chaque coureur soit à l’écoute de ses sensations, qu’il acquière avec le temps la maîtrise de ce qui lui convient et de ce qui ne lui convient pas pour sa nutrition. C’est lui avant tout qui pilote son histoire sportive, le médecin et le nutritionniste ne peuvent se placer qu’en qualité de conseils.

Je ne peux pas terminer cette réflexion sans une fois de plus m’opposer aux conseils nutritionnels colportés par des pseudo-nutritionnistes qui prônent les vertus du jeune, des diètes : c’est tout simplement criminel d’un point de vue santé. Un jour ou l’autre le sportif en paye le prix : contre-performance, carences, chute de certaines hormones, coup de moins bien dans la tête, sans parler de sa vie après le sport où la mémoire des « régimes » aura laissé de graves perturbations. Que chacun fasse son job : les entraîneurs entrainent, les ostéos manipulent, les diététiciens font de la diététique, les kinés soignent la carrosserie, les médecins font de la médecine; et on travaille ensemble dans le seul intérêt du sportif.

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Jean-Jacques