La préparation mentale du sportif de haut niveau: le travail sur la DOULEUR : en fait gérer la souffrance

–site de conseils en médecine du sport: http://www.medecinedusportconseils.com/

–site sur lequel peuvent être téléchargées des séances de sophrologie adaptées au sport: http://www.seance-sophrologie.com/ 

Présent sur ce Tour de France 2013 comme médecin de l’équipe cycliste SOJASUN, je développe aujourd’hui un aspect particulier du travail du mental : “Plus fort que la douleur” : quelle frontière entre l’éthique et la performance dans la préparation mentale du sportif de haut niveau ? Mon expérience et celle de “mes “sportifs m’amène à considérer que cette dimension du mental peut bénéficier d’un accompagnement. Plus que la “douleur”, c’est la “souffrance” (c’est à dire l’interprétation et la représentation que se fait le sportif de sa douleur) qui peut être gérée. Dans toute approche du travail du mental prévalent bien sûr des notions essentielles telles que l’éthique, l’écoute, et le respect du sportif. De même que toute démarche ne peut s’inscrire que dans le respect de la relation entre le sportif et son entraîneur.

–site de conseils en médecine du sport: http://www.medecinedusportconseils.com/

–site sur lequel peuvent être téléchargées des séances de sophrologie adaptées au sport: http://www.seance-sophrologie.com/ 

 

+++ Pour l’aspect “fun”, voici aussi le lien du blog de notre coureur Cyril LEMOINE présent sur ce Tour, pilier de l’équipe; vous y trouverez des photos et le regard des coureurs sur la course !! super blog !! Http://www.cyrillemoine.com/actualité.html

 

1/ Considérations générales

Le titre de cet exposé, volontiers polémique, a pour objet de solliciter les réflexions suivantes :

  • Est-il éthique de proposer à un sportif de dépasser ses limites ? ? Peut-on alors parler de dopage ? ?
  • Le « recrutement » du sportif ? ?
  • Quels « outils » proposer ? ? Quelles indications ? ?

 

Chaque sportif naît avec un potentiel génétique ; par exemple certains possèdent des fibres musculaires adaptées à l’endurance tandis que d’autres possèdent des fibres adaptées au sprint. Certains seront des « moutons », d’autres seront des « guerriers ». Arrive ensuite le retentissement de l’environnement familial, culturel et bien évidemment sportif. Permettre à un sportif d’optimiser SON potentiel grâce à SES ressources me paraît tout à fait éthique dans une démarche de recherche de la performance. Permettre à un sportif de dépasser le potentiel pour lequel il est « programmé » génétiquement, c’est pour moi du dopage : « on ne fera jamais un cheval de course avec un bourrin ». L’environnement qui pourra être proposé au sportif sera le plus performant possible : l’entraînement bien sûr et avant tout, dans le cadre d’une relation sportif-entraîneur qu’il faudra toujours respecter, la préparation physique, le suivi médical préventif et curatif, le suivi physiologique et biologique, le suivi nutritionnel, et le travail du mental.

Sur le terrain 3 situations se présentent par rapport à la douleur du sportif:

–>La douleur physique : respect du symptôme qui est un signe d’alarme : la réflexion médicale précède obligatoirement l’éventuelle prise en charge hypnothérapeutique qui ne sera utilisée que pour optimiser les processus de guérison et non pas pour supprimer le symptôme ce qui aurait pour conséquence que les lésions s’aggravent.

–>La douleur mentale : « se faire mal », « aller jusqu’au bout de ses limites », « être généreux dans l’effort » : il faut alors une solide expérience de terrain pour faire le « tri » des sujets et pour proposer une prise en charge adaptée à chaque sportif (chaque sport est différent, chaque sportif est différent) On gérera alors la souffrance (= l’interprétation de la douleur)

–>La douleur après l’effort (courbatures, douleurs musculaires = le stress anatomique, physiologique, hormonal, biologique) : l’objectif sera d’optimiser les processus de la récupération (en complément d’autres techniques comme la nutrition, le massage, l’optimisation du retour veineux, etc) La douleur mentale (= le stress psychologique) sera également prise en charge.

Le « recrutement » du sportif : ne choisir que des sportifs motivés qui sont conscients du retentissement essentiel du mental sur la performance. Privilégier le travail individuel plutôt que collectif. Refusons les prises en charge de dernière minute : je viens vous voir car Dimanche je participe à une compétition importante : non !! le mental, c’est comme l’entraînement, ça se travaille sur la durée. Ne pas s’investir avec le sportif qui ne se sent pas concerné motivé et impliqué dans la démarche.

Les « outils » proposés : l’hypnose Ericksonnienne qui est un outil privilégié dont l’objectif est d’optimiser les ressources du patient en général, et du sportif pour ce qui nous concerne. La relaxation qui induit un processus physiologique de détente intéressant après l’effort. Les techniques que j’utilise sont souvent mixtes, avec volontiers une induction axée sur les sensations corporelles du sportif qui, à un très haut niveau est très à l’écoute de ses sensations et de son corps. J’utilise également volontiers l’hypnose « simplement » conversationnelle. Les techniques « d’imaging » sont très intéressantes.

Cette approche passe également par le respect du sportif, qu’il faut aborder dans le cadre d’une relation de terrain, avec un langage adapté, ce qui demande une longue expérience, au moins autant que dans la prise en charge en médecine du patient douloureux aigu ou chronique.

Mon expérience depuis de nombreuses années auprès de sportifs de haut niveau (dont certains champions de France et champions du Monde) : boxeurs, athlètes (demi-fond, marathoniens), et bien sûr coureurs cyclistes m’amène à considérer que cette approche du travail du mental est incontournable dans le haut niveau. Et qu’il s’agit là de l’un des outils qui prennent leur place dans la lutte contre le dopage, à côté d’autres prises en charge telles que la nutrition et le suivi médico-sportif en général.

2/ Les données de mon expérience

2.1 La douleur physique, un exemple : l’entorse de cheville. La poursuite de l’activité physique est interdite pour ne pas aggraver les lésions ; il n’est donc pas question de mettre en route un travail mental pour anesthésier la douleur ! Par contre une stratégie peut être mise en place à 2 niveaux :

a/ Accélérer et optimiser les processus de guérison : visualisation de l’œdème qui se résorbe, de la cicatrisation des fibres tendineuses, de la circulation du sang qui « nettoie » les lésions, etc.

b/ Pendant la période d’inaptitude physique transitoire, permettre au sportif de rester mentalement au contact avec son sport : il peut visualiser ses entraînements, ses compétitions (anciennes et futures) ; mon expérience me fait penser que la reprise de l’entraînement puis de la compétition seront de meilleure qualité.

2.2 La douleur pendant l’effort : elle est physique (avoir mal aux jambes sur le vélo sur une étape de montagne c’est normal !!), elle est aussi mentale : observons un joueur de tennis qui est dominé par son adversaire dans un match : il va baisser la tête, regarder vers le sol, orienter le tamis de sa raquette en direction du sol, abaisser ses épaules, traîner les pieds, mobiliser une épaule pour montrer qu’il a une douleur, ou s’étirer car les crampes menacent ; puis son adversaire joue moins bien, notre joueur remonte au score, domine dans le dernier set, et le voilà qui n’a plus mal, qui s’encourage, qui porte sa silhouette de façon victorieuse… Il n’a plus mal, les crampes se sont éloignées, sa vision du match s’est inversée, son mental a gommé la douleur. C’est là que nous allons pouvoir travailler avec notre sportif : « plus fort que la douleur »… Comment sublimer cette douleur : en premier lieu il faut l’accepter : « tiens, te voilà !!, je te connais bien », et permettre ensuite au sportif d’acquérir au cours de notre travail en commun des « outils », ses « outils » à lui : visualiser une image qui va se substituer à la douleur (un paysage, le visage d’un proche, la ligne d’arrivée, le podium, la médaille), substituer à la douleur une autre sensation comme la fraîcheur, raccourcir le temps qui reste, remplacer la douleur par un sourire ; on travaillera aussi sur la « générosité » du sportif à « tout donner », pour lui, et pour d’autres (par exemple un grand père disparu qui l’avait initié à son sport, un fils qui vient de naître, et là encore c’est le sportif qui va choisir à qui il va « faire le cadeau » de son effort) : quelque part, on va travailler avec les mêmes « outils » que ceux utilisés chez un patient douloureux, et pour respecter notre sportif et le conforter dans son idée que c’est lui qui fait son travail, ce seront ses images à lui, la stratégie anti-douleur qu’il aura choisie. Un « signe-signal » pourra être mis en place pendant les séances : un sourire, la boisson de l’effort, une inspiration profonde, ou un geste lié au sport, etc.

2.3 La douleur après l’effort : elle s’intègre, comme je l’ai développé précédemment, dans la démarche essentielle de la récupération, aspect trop souvent négligé dans le sport de haut niveau. Le sportif travaillera avec ses images, mais on sera un peu plus « directif » dans la structure de la séance, où l’induction pourra être rapide, et l’accompagnement adapté à une séance assez « profonde », bien qu’en aucun cas nous ne pouvons nous autoriser à « manipuler » notre sportif. Mais mon expérience m’amène à considérer qu’une séance profonde (« oui, oui, mon cher Erickson, je sais que la profondeur d’une séance ça ne veut rien dire !! ») est plus efficace dans cette stratégie de la récupération. L’objectif étant que le sportif puisse, après quelques séances de travail, spontanément entrer dans cet espace de récupération tout seul. On travaillera sur la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, une inspiration plus profonde (qui induit une légère alcalose permettant de lutter contre l’acide lactique lorsque cela est justifié), les images visualisant la guérison des micro-lésions anatomiques, les fibres musculaires qui se détendent, qui se « nettoient », les hormones de l’effort qui se mettent au repos, etc. J’inclus systématiquement une « suggestion post hypnotique » par rapport à la qualité du sommeil qui suivra.

Je ne peux pas terminer cet exposé sans avoir une pensée pour Jacques QUELET, qui m’a fait découvrir cet outil qu’est l’hypnose dans la préparation mentale du sportif de haut niveau. Il m’a appris beaucoup de choses, mais je retiendrai surtout la règle de conduite qu’il m’a communiquée : engager avec le sportif une relation de respect et de confiance, condition essentielle pour un travail de qualité.

Un webmaster m’a proposé de mettre en ligne sur son site des séances de préparation mentale; également des exercices pratiques pour progresser dans d’autres domaines: le stress; également des exercices pour optimiser la récupération, le sommeil, etc. : http://www.seance-sophrologie.com/ 

2 Comments La préparation mentale du sportif de haut niveau: le travail sur la DOULEUR : en fait gérer la souffrance

  1. Sandra

    Bonjour,
    Merci pour cet article intéressant et surtout pour vos conseils. Je m’en servirais pour mieux conseiller mes patients: je suis médecin du travail.

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