SUIVI médico-sportif du sportif de haut niveau: ma conception de la mission du “doc”, conception qui peut être critiquée mais que je revendique

 

Comment concevoir un suivi efficace en respectant l’éthique sportive et médicale  …

Lors de mes interventions auprès d’un public de sportifs, entraîneurs, je ne me lasse pas de répéter qu’il est possible de proposer à un sportif soumis à de grosses charges de travail un suivi médical cohérent, bien évidemment dans le respect de l’éthique sportive et médicale, basé sur des réflexions reposant sur des bases scientifiques et sur le bon sens. De nombreux entraîneurs ont maintenant compris qu’il est utile de s’entourer d’une équipe de professionnels qui ont l’expérience, la passion : kinés, ostéos, nutrition, médecin du sport, physiologiste du sport, dentiste, etc. etc.

Bien évidemment certains médecins hurlent volontiers, évoquent la suspicion de dopage dès lors qu’un médecin travaille sur le terrain, et très souvent ces médecins sont éloignés du terrain, ce qui n’est pas plus mal car ils ne respectent pas le sportif dans sa souffrance physique et mentale.

Parler de médecine du sport sans parler de suivi médical du sportif relève de la plus haute hypocrisie ; la médecine du sport est la médecine du corps en mouvement ; la nutrition du sportif n’a rien à voir avec le suivi “diététique » d’un sujet sédentaire, l’accompagnement  psychologique du sportif n’a rien à voir avec la prise en charge psychologique d’un sujet sédentaire.

A mon sens on ne peut pas suivre un sportif si on ne le respecte pas, si on ne reconnait pas sa douleur, si on ne lui propose pas un espace d’écoute neutre et bienveillant.

On ne peut pas suivre un sportif si on ne respecte pas la structure dans laquelle il travaille : sa relation avec son entraîneur, les personnes qui apportent d’autres expériences et connaissances : l’ostéopathe, le kiné, le podologue, le préparateur physique, etc. etc. Dans cette équipe chacun doit « porter sa casquette », communiquer, savoir travailler en groupe, se limiter à ce qu’il connaît, être éloigné de la notion d’ « aura », de « récupération des résultats » (« il a gagné !! je le savais bien, c’est moi qui l’ai massé hier soir, je lui ai dit les mots qu’il fallait » …)

On ne peut pas suivre un sportif si on n’a pas l’expérience du terrain, si on reste enfermé dans son cabinet de consultation, si on ne partage pas avec lui un minimum de langage de terrain. sa souffrance doit être accompagnée et mérite le respect.

On ne peut pas suivre un sportif si on n’a pas la passion du sport.

On ne peut pas suivre un sportif si on a pour obsession la peur que ce sportif nous manipule ou que sa démarche dérape ; jusqu’à preuve du contraire il faut avoir confiance dans le sportif.

Le médecin n’est pas là pour juger  et condamner, il doit savoir écouter les problématiques verbalisées par le sportif ; voire même la problématique du dopage : le sportif est-il « tenté » ? Il présente des risques de déraper ? : période de blessure prolongée, fin de contrat, il ne marche plus, il a la pression, il vieillit, etc.): savoir alors discuter, argumenter, dissuader. Il est plus important de comprendre la genèse du dopage que de discourir dans des assemblées sur la « lutte contre le dopage » ; la meilleure prévention se met en place sur le terrain, dans les vestiaires, à proximité du sportif. A mon sens le meilleur moyen pour éviter qu’un sportif ne dérape c’est justement de lui proposer un suivi médico-sportif cohérent, bien évidemment éthique. Je connais des médecins, et quelques pneumologues qui refusent de voir des sportifs, surtout s’ils sont asthmatiques, surtout s’ils font du vélo !! Cette attitude est à mes yeux inadmissible.

Un suivi médical repose sur des outils simples : la prévention des lésions micro-traumatiques, en relation étroite avec les kinés, les ostéos, le coach, le préparateur physique, la prévention des infections, un suivi quasi imposé : ORL, dents, yeux, vaccins, dermato, connaissance du groupe sanguin, sanguin à la recherche de carences préjudiciables avant  tout pour la santé avant  même de parler de performance, le suivi médico-sportif a pour vocation la santé du sportif, mais bien sûr aussi la performance, il serait hypocrite de le nier.

Un sportif n’a pas besoin d’un médecin pour gagner, mais il a besoin d’un médecin pour la prévention, la gestion immédiate de la moindre blessure, le suivi nutritionnel, la récupération après l’effort, le travail éventuel sur le sommeil, la récupération veineuse : mon site détaille les nombreux outils qu’il faut proposer et de nombreux intervenants ont le savoir et l’expérience pour mettre en place ce cadre.

Un sportif soumis à de grosses charges de travail est soumis à des contraintes délétères pour sa santé : santé physique, santé psychologique ; ce n’est qu’un exemple mais un cycliste sur une course par étape s’épuise jour après jour ; est-il éthique de lui proposer une prise en charge éthique avant –pendant-après l’effort : oui, je l’affirme : pour sa santé avant  de penser à la performance. Des travaux scientifiques peuvent proposer un cadre cohérent ; je ne site qu’un exemple personnel : au cours d’une course cycliste professionnelle par étapes (les 4 jours de Dunkerque), avec l’appui logistique et scientifique d’un CHU j’avais pour chaque coureur fait réalisé une « chromatographie des acides aminés » pendant les 5 jours de course, le matin avant  l’étape puis le soir à l’hôtel ; transport immédiat dans le laboratoire d’un CHU, centrifugation, congélation ; il en est résulté la connaissance précise des acides aminés sollicités plutôt sur une étape de plat, sur une étape de bosses, ou sur un contre-la-montre ; ce travail de terrain (qui n’avait pas été réalisé en laboratoire avec des étudiants pendant des tests d’effort !) a fit l’objet de plusieurs communications et publications ; pour moi il s’agit d’une véritable collaboration terrain-experts scientifiques. C’est à la suite d tels travaux qu’on peut proposer des protocoles de terrain. Cela va contre l’empirisme de certaines habitude, d’une culture (la vitamine B12, la culture poussée de la seringue, le Fer à outrance alors que sa prise injustifiée occasionne de sérieux problèmes de santé, etc. etc.)

Sport par sport, discipline par discipline, j’ai la conviction que chacun peut apporter son savoir et son expérience ; la « lutte » entre les médecins (notion de « reconnaissance », d « carriérisme », d’ « aura », de « pouvoir ») est fort malheureusement une donnée acquise dans le milieu du sport de haut niveau ; dire qu’on fait alors que l’on ne fait rien est plus facile que de mouiller le maillot sur le terrain…. Il faut fuir les querelles de chapelle, il faut travailler ensemble, regrouper les expériences, avec un SEUL OBJECTIF : L’INTERET DU SPORTIF CAR N’OUBLIONS PAS QU’IL N’Y AURAIT PAS DE MEDECINE DU SPORT S’IL N’Y AVAIT PAS DE SPORTIFS !!

2 Comments SUIVI médico-sportif du sportif de haut niveau: ma conception de la mission du “doc”, conception qui peut être critiquée mais que je revendique

  1. Bertrand Guérineau

    Bonjour
    Votre analyse est intéressante mais plusieurs points peuvent être discutés comme par exemple cette idée qu’il faut absolument connaitre le terrain… Tout dépend de nos objectifs et du statut que l’on occupe. Je suis psychologue, et je suis amené à travailler sur le terrain parfois, mais dans le cadre du suivi psychologique c’est plutôt recommandé de privilégier un cadre plus neutre. A bientôt
    Cordialement
    b.g

  2. Jean Jacques Menuet

    ok, je partage votre avis car parfois il faut aussi un espace de distance d’une part pour rester objectif, mais aussi pour ne pas aborder le sportif dans une relation trop fusionnelle, car on sait que certains sportifs, qui ont un comportmeent addictif, sont très manipulateurs. ; toutefois pour “ouvrir la porte” dans le relationnel avec le sportif il faut que celui-ci percoive bien que le psy, le doc ou tout autre intervenant partage un peu de terrain, de vécu; les docs qui restentdans leur “tour”, les psys qui remplissent les questionnaires et ne font que des statistiques; c’est aux cotés du sportif, dans le vestiaire, dans le cadre d’une communication “singulière” qu’on fait le “bon job” J’en reste convaincu, avec les réserves que j’ai exposées au début de cette réponse; très cordialement, JJM

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